Les cliniques et hôpitaux privés seront exclus de droit du futur service public hospitalier
• Des critères d’exclusion arbitraires et injustifiés motivés par une croisade anti-privé
• La réforme va créer une médecine à deux vitesses, contraire aux intérêts des patients
La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), qui regroupe 1.100 cliniques et hôpitaux privés, maintient son opposition totale au volet du projet de loi de santé prévoyant le rétablissement du service public hospitalier, dont seront exclus de droit les cliniques et hôpitaux privés. Elle dénonce une politique publique de retour à un hospitalo-centrisme rétrograde, une volonté d’éviction de l’hospitalisation privée sur des critères arbitraires et une réforme contraire à l’intérêt des patients.
« L’enfer politique est parfois pavé de bonnes intentions. Sous prétexte de défendre l’intérêt des patients, cette réforme est dangereuse et va créer les conditions d’une marginalisation de l’hospitalisation privée. Elle va à contre-sens de l’intérêt sanitaire du pays et produira l’inverse de l’effet recherché : la création d’une médecine à deux vitesses », affirme le président de la FHP, Lamine Gharbi.
Le projet de loi, qui a fait l’objet d’un simulacre de concertation avec les fédérations professionnelles, vient d’être transmis pour avis au Conseil d’Etat, avant sa présentation au Parlement prévue début 2015. Sous l’habillage de service public hospitalier (SPH), la FHP dénonce la volonté de détricoter la loi Bachelot (dite HPST) et, sous couvert de rétablir le monopole de l’hôpital public, d’évincer le secteur de l’hospitalisation privée du paysage sanitaire.
« Les missions de service public sont remplies aujourd’hui par l’ensemble des acteurs de santé, indépendamment de leur statut public ou privé. Dans ce cadre, les cliniques assument celles qu’on veut bien leur confier à l’échelon des territoires avec les médecins libéraux : urgences, permanence des soins, formation des infirmiers, des internes, etc. », rappelle Lamine Gharbi. « Le rétablissement du service public hospitalier, dont seuls seraient membres de droit les hôpitaux publics et – sans que l’on sache vraiment pourquoi – une partie des hôpitaux associatifs, constitue une discrimination arbitraire, injuste et qui semble uniquement motivée par une croisade anti-privé aussi intolérable qu’idéologique », estime le président de la FHP.
Equité de traitement des acteurs de santé
La FHP s’étonne que les hôpitaux publics et une partie des hôpitaux associatifs disposeraient ainsi d’un « droit de naissance » pour appartenir au SPH. De plus, comment expliquer l’asymétrie de traitement entre établissements de santé privés de statut associatif et ceux à statut commercial, les premiers étant présumés remplir les critères d’appartenance et pas les seconds ?
La FHP considère que ce projet de loi a pour objectif de mettre en place les conditions légales d’une discrimination de financement supplémentaire entre acteurs de santé, via notamment les enveloppes financières du Fonds d’intervention régional (FIR). La ministre de la Santé a indiqué à plusieurs reprises que les établissements du service public hospitalier – donc les hôpitaux publics – pourront bénéficier d’une préférence en matière d’autorisations d’activité et d’équipements matériels lourds. De même, la participation au service territorial de santé au public qui fera l’objet d’une contractualisation par les Agences régionales de santé (ARS) fait craindre une mise en œuvre hospitalo-centrée.
L’hospitalisation privée, qui représente seulement 25% des capacités hospitalières, assurent pourtant 34% de l’activité de soins sur le territoire mais ne reçoit que 17% des dépenses hospitalières d’assurance maladie. « Les cliniques et hôpitaux privés délivrent des services de qualité égale ou meilleure à un coût plus faible pour la collectivité que l’hôpital public ou privé associatif. Ce que nous demandons, c’est une équité de traitement entre les acteurs de santé et une transparence dans les financements. Ni plus ni moins », rappelle Lamine Gharbi.
Les cliniques et hôpitaux privés MCO subissent déjà depuis des années une discrimination de financement, avec des tarifs Sécu inférieurs en moyenne de 22% à ceux de l’hôpital public, et ce pour une prestation de soins identique. La convergence des tarifs, à laquelle a mis fin l’actuelle majorité, aurait permis de diminuer le déficit de l’assurance maladie de 7 milliards d’euros. Les écarts de prix de journée vont même de 100 à 300% dans les secteurs des soins de suite et de réadaptation (SSR) et psychiatriques.
Intérêt sanitaire des patients et liberté de choix
Le gouvernement édicte ainsi un bloc d’obligations pour pouvoir participer au service public hospitalier, dont l’un est l’interdiction de pratiquer des compléments d’honoraires. Or c’est méconnaître la réalité selon laquelle plus de 8,5 millions de patients sont accueillis chaque année dans les cliniques, et ce quelle que soit leur origine sociale.
L’enjeu réel du critère de l’accessibilité financière à prendre en compte devrait porter sur les restes à charge incluant l’ensemble de ses composantes, y compris les tarifs journaliers de prestation (TJP) facturés par les hôpitaux publics pour un montant d’un milliard d’euros, comme récemment dénoncé par les associations de patients.
Enfin, si l’un des critères d’accessibilité financière pour appartenir au service public hospitalier est l’interdiction de pratiquer des compléments d’honoraires, ne faudrait-il pas dès lors interdire l’activité libérale à l’hôpital public ? Ou bien exclure d’emblée du SPH les hôpitaux publics et associatifs qui autorisent cette pratique ?
Liberté économique d’entreprendre et principe de libre concurrence
Le projet de loi instaure également des groupements hospitaliers de territoire, constitués uniquement d’hôpitaux publics. Les ARS auront donc à leur disposition un important levier de structuration de l’offre de soins, susceptible d’isoler et de marginaliser l’ensemble des acteurs privés sur leur territoire.
Par ailleurs, le projet comporte une contradiction fondamentale. L’Etat fait peser en effet sur les cliniques une obligation qu’elles ne peuvent pas remplir, puisqu’il autorise les médecins à exercer en secteur 2 et considère ensuite que les cliniques qui ont des médecins en secteur 2 ne peuvent pas intégrer le SPH. Or les cliniques sont exclues de la négociation tarifaire entre les médecins et l’Etat.
En voulant exclure le secteur privé de l’offre de soins par la clause sur les dépassements d’honoraires, le gouvernement se trompe de bataille, estime Lamine Gharbi. « Ce n’est pas en mettant à terre un secteur d’excellence qui fonctionne de manière efficiente et en faussant les conditions d’une saine concurrence qu’il s’attaquera aux vrais enjeux : la neutralité tarifaire dans le financement, la rémunération à la performance et la nécessaire réorganisation de l’hôpital public, qui a accumulé plus de 3,5 milliards d’euros de déficit depuis 2007 et triplé en dix ans sa dette, passée à 30 milliards d’euros ».
Une mobilisation sans précédent à la rentrée
La FHP, qui a été reçue fin juillet par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, regrette que le gouvernement n’ait tenu compte ni de ses préoccupations ni de ses demandes.
« En poursuivant dans cette voie, le gouvernement rate l’occasion de construire la médecine de parcours de demain en associant l’ensemble des acteurs de la prise en charge des patients », regrette le président de la FHP. « Il prend surtout le risque d’une mobilisation sans précédent à la rentrée si le projet de loi reste en l’état sur le volet hospitalier car il en va non seulement de la survie de notre secteur mais du sens même de notre mission au service des patients ».
A propos de la FHP
La FHP regroupe 1000 cliniques et hôpitaux privés qui assurent chaque année la prise en charge de 8,5 millions de patients. 154 000 salariés (personnels de soins, administratifs et techniciens) travaillent dans les établissements de santé privés et plus de 42 000 médecins y exercent. Les cliniques et hôpitaux privés prennent en charge :
- 54% des interventions chirurgicales,
- près de 66 % de la chirurgie ambulatoire,
- 2,3 millions de passages dans 130 services d’urgences,
- Un accouchement sur quatre,
- Près d’un tiers des soins de suite et de réadaptation,
- Plus de 17% des hospitalisations psychiatriques,
- 15% de l’activité d’Hospitalisation à domicile (HAD).
à deux vitesses