- Des mesures d’efficience pour dégager 14 milliards d’euros d’économies dans les 5 ans
- Des réformes systémiques pour retrouver une capacité d’innovation et de compétitivité
- La futur loi de santé se trompe de réforme et rate l’occasion de s’attaquer aux vrais enjeux
La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) a présenté aujourd’hui dix propositions pour améliorer l’efficience du système de santé, portant à la fois sur des mesures d’économies à effet immédiat et d’autres réformes plus systémiques pour retrouver une capacité d’innovation et de compétitivité.
« Notre système de santé souffre de deux maux : l’assurance maladie est en déficit constant depuis 1988 et il est financé par l’endettement. Il faut sortir de cette spirale infernale si l’on veut pouvoir retrouver des marges de manœuvre et réallouer les financements aux besoins réels de santé des Français », a déclaré Lamine Gharbi, président de la FHP, lors d’une conférence de presse à l’occasion de la Journée de rentrée du syndicat qui regroupe 1.000 cliniques et hôpitaux privés.
« Avec les mesures que nous présentons aujourd’hui, nous pourrions rapidement dégager au cours des cinq prochaines années 14 milliards d’euros d’économies, soit un effort annuel de 2,8 milliards par an. Ce serait un premier pas vers un retour à l’équilibre des comptes de l’assurance maladie », a-t-il ajouté.
Le gouvernement se trompe de réforme
La future loi de santé, qui envisage de rétablir un Service public hospitalier (SPH) en excluant l’ensemble de l’hospitalisation privée par des conditions restrictives, est une occasion ratée de réformer un système aujourd’hui à bout de souffle.
« Ce n’est pas en renforçant la mainmise de l’Etat sur le secteur de la santé et en laissant au privé une place de ‘laissé pour compte’ que l’on va améliorer l’efficience du système pour nos compatriotes et s’attaquer aux vrais enjeux. Le gouvernement se trompe de réforme, alors qu’il faudrait s’attaquer avec courage et responsabilité aux déséquilibres structurels du système de santé et à la réorganisation de l’offre de soins qui occasionnent des milliards d’euros dépensés de manière inefficace. Des alternatives existent pourtant », a souligné Lamine Gharbi.
Quatre mesures d’économies à effet immédiat
La FHP propose ainsi de mettre en place rapidement quatre réformes permettant de réaliser un total de 14 milliards d’euros d’économies, qui pourraient être étalées sur les cinq prochaines années.
1. Mettre fin à l’incohérence des Tarifs journaliers de prestations (TJP) à l’hôpital public
– L’hôpital public calcule le montant du ticket modérateur du patient non pas sur un Groupe Homogène de Séjour (GHS) dans la Tarification à l’activité, mais sur un prix de journée historique plus avantageux et qu’il fixe lui-même. Cette méthode de calcul génère un surcoût de près d’1 milliard d’euros (981 millions – estimation DGOS, Audition MECSS du 7 février 2012). Ce surcoût est un reste à charge payé soit par les patients, soit par leurs mutuelles. Cet état de fait a été dénoncé par l’UFC-Que Choisir (22 mai 2014).
PROPOSITION n° 1 : Supprimer le tarif journalier de prestation
- Economie annuelle attendue : 1 milliard d’euros
2 – Etablir une règle d’or : la meilleure offre au meilleur coût
– En spécialités médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), l’écart entre les tarifs hospitaliers publics et privés s’élève à 22%, les tarifs du privé étant les plus bas. La convergence des tarifs permettrait une économie potentielle de 7 milliards d’euros (Rapport Cour des Comptes 2011 sur la Sécurité sociale)
– En Soins de suite et réadaptation (SSR), l’écart tarifaire se monte à 40% soit 2,4 milliards d’euros d’économies potentielles (Rapport Cour des Comptes 2011 sur la Sécurité sociale)
– En hospitalisation complète de psychiatrie, l’écart tarifaire se monte à 50% soit 2,3 milliards d’euros d’économies potentielles (estimation FHP sur la base d’une étude publiée dans Finances hospitalières mai 2012).
PROPOSITION n° 2 : Aligner progressivement les coûts de prises en charge du secteur public sur ceux du secteur privé
- Economie annuelle attendue : 11,7 milliards d’euros
3 – Des financements dédiés, pas des subventions déguisées…
– Les MIGAC (6,5 milliards d’euros en 2014) et les FIR (Fonds d’intervention régionale, 3,2 milliards €) représentent 20% du financement de l’hôpital.
– Moins de 1% de cette enveloppe est attribuée à l’hospitalisation privée malgré son engagement dans la prise en charge des patients aux services d’Urgences, en cancérologie (1 patient sur 2), dans la recherche clinique, la précarité, la permanence de soins, la formation et la prise en charge des internes.
– Cette disproportion témoigne d’une utilisation de ces fonds répondant plus à une logique de subvention que d’efficacité de la réponse aux besoins de santé et d’efficience.
– A titre d’illustration, 752 millions d’euros de crédit d’aide à la contractualisation ont été utilisés en 2012 pour soutenir des établissements déficitaires.
PROPOSITION n° 3 : ne plus financer les déficits
- Economie annuelle attendue : 750 millions d’euros
4 – Adapter l’offre hospitalière publique
– L’hospitalisation privée a effectué un important effort de restructuration. Le nombre d’établissements de santé privés MCO à été divisé par deux en 20 ans, ce phénomène n’a que partiellement été compensé par la création d’établissements dans les autres disciplines. Aujourd’hui l’hospitalisation privée représente 17% des dépenses hospitalières alors qu’elle assure 34 % des prises en charges.
– L’hospitalisation publique n’a pas effectué une telle mutation. En conséquence, les dépenses hospitalières, à plus de 80% publiques, représentent 37% des dépenses de santé en France contre seulement 29 % dans la moyenne des pays de l’OCDE.
– Si le secteur d’hospitalisation publique réalise sa restructuration comme a su le faire le secteur privé en réduisant sa capacité pour plus d’efficience, des marges de manœuvres significatives d’économie peuvent être trouvées.
PROPOSITION n° 4 : fixer un objectif de réduction de l’ONDAM hospitalier public de 1% pendant 5 ans
- Economie annuelle attendue : 540 millions d’euros
Six mesures systémiques pour retrouver une capacité d’innovation et de compétitivité
La FHP propose aussi de mettre en œuvre des réformes de système et de gouvernance permettant de retrouver des marges de manœuvre à plus long terme. Si celles-ci ne généreront pas d’économies dans l’immédiat, elles devraient contribuer à améliorer la gouvernance et l’efficience globale du système de santé.
5 – Mieux piloter le système de santé
– Le projet de loi santé propose de renforcer le rôle des agences régionales de santé, y compris dans le champ conventionnel national et un rôle prééminent dans la politique de gestion du risque.
– Or les ARS sont aujourd’hui juges et parties puisqu’elles concentrent les rôles de financeurs de l’hospitalisation publique et de régulateur de l’ensemble de l’offre.
– L’Igas a souligné qu’il « est laissé aux ARS le soin de concilier des objectifs potentiellement divergents et d’arbitrer entre diverses contraintes, qu’il s’agisse, par exemple de réguler de manière neutre la concurrence entre établissements ou de promouvoir le retour à l’équilibre budgétaire des hôpitaux publics » (Rapport Igas 25 février 2013). Ce qui entraine des décisions inéquitables et économiquement inefficaces.
PROPOSITION n° 5 : mettre fin à la confusion des rôles et mieux séparer les missions de régulation, d’inspection, de contrôle et de financement. (Orientation préconisé par l’IGAS à l’occasion du rapport MECSS – février 2014)
6 – Créer un service territorial de santé au public ouvert à tous les acteurs
– La loi de santé propose de mettre en place un service territorial de santé au public déclinant les projets régionaux de santé pilotés par les ARS.
PROPOSITION n° 6 : Que la loi précise les conditions de transparence de la réalisation des diagnostics de besoins dans les territoires associant les professionnels de santé, les patients sans exclusive ; ainsi que les conditions de contrôle de l’efficience de l’attribution des financements et des autorisations qui devront répondre aux besoins dans le cadre du service territorial de santé au public.
7 – Promouvoir la transparence et l’équité de traitement pour favoriser l’efficience
– Les dépenses de personnels représentent le principal poste de charges dans le secteur public et privé. Il faut agir sur ce poste là par des mesures d’efficience.
– 33 différences fiscales et de charges entre le secteur public et le privé d’hospitalisation ont été répertoriées. Elles représentent 600 millions d’euros de charges supplémentaires que les établissements de santé privés doivent assumer.
– En outre, le secteur de l’hospitalisation privé est le seul à avoir fait l’objet de mesures de récupération du CICE (plainte en cours devant le Conseil d’Etat).
PROPOSITION n° 7 : création d’un observatoire de la gestion hospitalière publique/privée chargée d’identifier les écarts et de proposer des mesures d’harmonisation efficientes sur les principaux facteurs (temps de travail, productivité, lutte contre l’absentéisme, etc.) , une harmonisation des règles fiscales entre les deux secteurs dans un souci d’équité et d’efficacité économique et la fin de la discrimination sectorielle contre l’hospitalisation privée.
8 – Prendre le virage du numérique
– La mise en œuvre du programme Hôpital Numérique est lente. La labellisation des éditeurs de solutions logicielles n’interviendra au mieux que fin 2015.
– Les établissements de santé ont besoin de solutions informatiques robustes pour partager des données tout en préservant la confidentialité des informations échangées. C’est une condition indispensable à une médecine de parcours que souhaite promouvoir la loi de santé.
– Les pouvoirs publics doivent prendre en compte l’urgence de la situation et sortir de l’inertie actuelle. Les établissements privés ont démontré leur dynamisme (39 % des établissements privés ont atteint les pré-requis du programme « hôpital numérique » contre seulement 18 % des établissements publics). Pourtant, près de la moitié des financements prévus en 2014 sur le programme Hôpital Numérique ne seront pas attribués.
PROPOSITION n° 8 : réallouer les financements « hôpital numérique » non utilisés aux établissements les plus avancés (valorisation de la qualité numérique) et mise en place d’une homologation des logiciels dès 2015
9 – Développer le financement de la qualité
– Le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2015 devrait comporter des mesures en faveur de la généralisation des indicateurs de qualité dans les établissements de santé.
– Le dispositif de dégressivité tarifaire mis en place en 2014 est contre-productif et frappe aujourd’hui les acteurs les plus vertueux du système de santé en introduisant une logique de rationnement.
PROPOSITION n° 9 : introduire de manière systématique une part d’incitation à la qualité dans la rémunération afin d’améliorer la pertinence des actes et d’instaurer une régulation objective et efficace en mettant fin à la dégressivité tarifaire.
10 – Faire du patient un acteur de sa prise en charge
– Le développement de l’éducation thérapeutique (ETP) est un levier pour structurer le parcours de santé des patients, limiter les interventions inutiles, mieux coordonner l’activité des établissements de santé et du secteur ambulatoire.
– Le projet de loi santé n’apporte pas aujourd’hui une impulsion significative en faveur de l’éducation thérapeutique.
PROPOSITION n° 10 : impulser par la loi de santé un véritable pilotage national du développement de l’éducation thérapeutique en garantissant la possibilité pour les établissements de santé privés (MCO, SSR, psychiatriques) d’accéder au financement des programmes d’ETP dans les mêmes conditions que les établissements publics.
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A propos de la FHP
La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) regroupe 1100 cliniques et hôpitaux privés qui assurent chaque année la prise en charge de 8,5 millions de patients. 154 000 salariés (personnels de soins, administratifs et techniciens) travaillent dans les établissements de santé privés et plus de 42 000 médecins y exercent. Les cliniques et hôpitaux privés prennent en charge :
- 54% des interventions chirurgicales,
- près de 66 % de la chirurgie ambulatoire,
- 2,3 millions de passages dans 130 services d’urgences,
- Un accouchement sur quatre,
- Près d’un tiers des soins de suite et de réadaptation,
- Plus de 17% des hospitalisations psychiatriques,
- 15% de l’activité d’Hospitalisation à domicile (HAD).