Communiqué de presse
Le Syndicat des néphrologues libéraux (SNL) et la Fédération de l’hospitalisation privée de dialyse (FHP-Dialyse) mettent en garde contre les discours caricaturaux, des études économiques de coût biaisées et l’orientation délétère des politiques publiques visant à réduire les moyens des traitements de dialyse pour les patients en insuffisance rénale chronique terminale (IRCT).
Face aux appels irréalistes au « tout-transplantation » ou à des modes de prise en charge alternatifs en lieu et place de la dialyse en centre, les deux syndicats rappellent que les politiques publiques de santé ne sauraient ignorer la réalité des besoins médicaux d’une population de patients particulièrement vulnérables, sauf à dégrader la qualité des soins. Ils appellent en conséquence les pouvoirs publics à mener une concertation sur des objectifs de santé publique et de qualité au sein du parcours de soins des patients atteints de maladies rénales chroniques.
« Depuis quelques temps, nous assistons à une offensive concertée, menée par le biais d’arguments caricaturaux et diffamants, contre les néphrologues et les centres d’hémodialyse qui soi-disant profiteraient de l’état de faiblesse des patients. Certains ont même récemment cru bon [1] de comparer l’hémodialyse en centre à une ‘prison’, en laissant entendre que nous serions les matons rentiers d’une prison dorée. C’est non seulement stupide car la vraie prison, c’est la maladie chronique, et non la dialyse qui sauve chaque jour des dizaines de milliers de vie, mais c’est aussi une insulte faite à l’honneur et à l’éthique de toute une profession et une injure à l’intelligence des patients », ont affirmé le Dr Gilles Schutz, président de la FHP-Dialyse, et José Brasseur, président du SNL, lors d’une conférence de presse.
Des dizaines de milliers de patients en IRCT sont pris en charge quotidiennement, avec un accès aux soins égalitaire et sans aucun reste à charge pour les patients. L’âge moyen des patients est de 72 ans, avec une autonomie physique, motrice et/ou cognitive diminuée avec le vieillissement et d’importantes comorbidités associées chez les patients dialysés – diabète (38%), insuffisance cardiaque (23%), artérite (24%), hypertension artérielle (90%).
Pas suffisamment de greffons disponibles
Environ 46% de ces derniers sont traités par greffe rénale et 53% par dialyse. Alors que 14.000 patients sont en attente d’une greffe de reins, seulement 3.500 greffes ont lieu chaque année, dont 15% grâce à des donneurs vivants, en raison d’un manque de greffons disponibles.
« Les néphrologues libéraux prennent en charge la totalité du parcours de soins. Le parcours de soins du patient en IRC est long et fait appel à la succession des traitements : médical, dialyse, transplantation. Dialyse et transplantation ne sont pas deux mondes cloisonnés qui s’ignorent. Bien entendu qu’il serait préférable de greffer un plus grand nombre de patients mais, d’une part, tous les patients ne peuvent pas recevoir un greffon, en raison de leur grand âge ou de leur état de santé, et d’autre part, il n’y a pas suffisamment de greffons disponibles », souligne le Dr José Brasseur.
Le SNL rappelle que la seule possibilité d’augmenter la transplantation consiste à développer le donneur vivant, ce qui ne se décrète pas et demande des actions d’information et de sensibilisation de la population.
« La néphrologie libérale, qui ne représente qu’un tiers de la prise en charge en France, ne peut être seule rendue responsable du retard de développement de la transplantation rénale pour des raisons lucratives. Cette accusation diffamatoire ne correspond ni à notre éthique ni aux réalités », poursuit le Dr Brasseur.
Développer l’hospitalisation à domicile, oui mais…
Face aux politiques tarifaires incitatives au développement de l’hémodialyse à domicile, poussée par certaines associations de patients, la FHP-Dialyse et le SNL soulignent qu’il s’agit d’une décision qui doit être fondée sur des bases claires et en toute responsabilité par les professionnels de santé.
« On va s’apercevoir très vite que ce mouvement est limité par la lourdeur et la faible autonomie de très nombreux patients. Nous demandons la mise en place d’une grille d’indicateurs qui permettent d’évaluer l’environnement familial, par exemple la présence d’aidants ou pas, les possibilités offertes par le logement pour stocker des matériels parfois encombrants et lourds, et enfin les capacités cognitives et motrices des malades », affirme le Dr Gilles Schutz.
La FHP-Dialyse rappelle que le seul argument économique selon lequel la dialyse à domicile coûte moins cher – en grande partie en raison des économies générées sur les transports qui représentent 20% du coût global – ne peut suffire à lui seul à déterminer une politique de santé publique. C’est une approche économétrique à court terme qui peut induire à long terme des surcoûts évitables d’hospitalisation pour l’assurance maladie et de pertes de chance majeures pour les patients.
Une baisse des tarifs qui menace les centres de proximité
Par ailleurs, la baisse continue des tarifs d’hémodialyse en centre (-12% au cours des trois dernières années) imposée par le gouvernement menace désormais l’existence des petits centres de proximité, dont beaucoup vont devoir fermer.
« Une réglementation lourde a été mise en place en 2002, avec de nouvelles normes très contraignantes. Or nous sommes revenus cette année aux tarifs qui prévalaient en 1996 ! De nombreux établissements ne pourront pas tenir et nous en voyons déjà qui cessent leur activité. Il s’agit là d’une vision purement économique et inconsidérée qui fait abstraction des besoins médicaux, des coûts réglementaires et normatifs et de la qualité de la prise en charge. Nous prenons les patients à témoin : ce que l’on va vous enlever au final, c’est une chance d’être bien soigné », avertit le Dr Gilles Schutz.
La FHP-Dialyse et le SNL refusent la poursuite des baisses de tarifs et demandent que les soins de support (diététique, psychologue, assistant social, éducation thérapeutique) soient pris en compte pour la fixation du tarif de traitement de l’IRCT.
« Il faut revoir le calcul du coût de la dialyse et mieux rémunérer les parcours de soins, les actions d’éducation thérapeutique et la mise en place du dossier prétransplantation rénale. Pour cela, il serait aussi judicieux de décloisonner l’organisation du parcours de soins en allégeant la réglementation afin de permettre à toute équipe néphrologique de réaliser en propre toutes les méthodes de traitement hors centre », conclut le président du SNL.
A propos de l’insuffisance rénale chronique (IRC)
On compte en France entre 1,7 et 2,5 millions de personnes en insuffisance rénale chronique (IRC) avant le stade terminal et environ 70.500 personnes atteintes d’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT). Environ 46% de ces derniers sont traités par greffe rénale et 53% par dialyse. La moyenne d’âge des patients traités par dialyse est aujourd’hui de 71 ans. Deux patients sur cinq traités par dialyse souffrent d’un diabète. Avec le vieillissement de la population, le nombre de patients augmente de 3% par an.
A propos du Syndicat des néphrologues libéraux (SNL)
Créé à la fin des années 60, le Syndicat des néphrologues libéraux représente depuis le milieu des années 80 toutes les composantes de la néphrologie dans le secteur privé. Il es l’unique représentant d’un secteur d’activité, qui représente environ 30% de la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) en France. A ce titre, il est l’interlocuteur habituel et écouté de la société savante et des pouvoirs publics.
A propos de la FHP-Dialyse
Créée il y a plus de 30 ans, la Fédération de l’hospitalisation privée de dialyse (FHP-Dialyse) regroupe 120 établissements forts de 182 structures géographiques de traitement de l’insuffisance rénale chronique, constituées en établissements de santé privés à statut commercial, avec ou sans hébergement, et dispensant des soins de dialyse à environ 12.000 patients.
[1] « La dialyse est une prison : allégeons les peines ! », tribune parue dans Le Monde, 16 mai 2016