Communiqué de presse
La Fédération de l’hospitalisation privée de dialyse (FHP-Dialyse) et la FHP-MCO (médecine-chirurgie-obstétrique) expriment leur étonnement devant les nombreuses erreurs de chiffres et d’analyse contenues dans le rapport de la Cour des Comptes sur la Sécurité sociale 2015, publié la semaine dernière, dans son chapitre sur l’insuffisance rénale chronique. Elles pointent également la tentative d’empiètement de l’administration sur la responsabilité de la prescription médicale et s’indignent de la stigmatisation à l’encontre des médecins néphrologues.
Des patients plus lourds … qui devraient être orientés vers des prises en charge plus légères !
La Cour des comptes constate une progression du nombre de patients souffrant d’insuffisance rénale chronique, marquée par une baisse chez les personnes de moins de 65 ans et une hausse chez les plus de 75 ans, les diabétiques et les polypathologiques. Pourtant, elle dénonce une part toujours prépondérante des prises en charge en centres lourds et prône une réorientation vers les structures les moins médicalisées.
« La moyenne d’âge des patients sous dialyse en France est de 71 ans. Prétendre que 40% d’entre eux pourraient se satisfaire de dialyse à domicile, c’est tout simplement ignorer les réalités face à des patients souvent peu autonomes et atteints de polypathologies lourdes. La dialyse à domicile est un vœu pieux car elle est malheureusement et tout simplement incompatible avec l’état de nombreux patients », rappelle le Dr Gilles Schutz, président de la Fédération de l’hospitalisation privée de dialyse, qui regroupe 120 établissements de dialyses privés (répartis sur 182 structures géographiques) en France.
Un retour à l’avant-2002 ?
La FHP-Dialyse et la FHP-MCO rappellent que les réformes de 2002 ont créé les Unités de dialyse médicalisées, palier intermédiaire entre le centre lourd et la dialyse à domicile. Cela a permis d’adapter au mieux le mode de prise en charge à l’état de santé du patient. Cela a également permis de proposer aux patients trop lourds pour être traités à domicile, une prise en charge moins onéreuse pour la Sécurité sociale.
« Les Unités de dialyse médicalisée se sont considérablement développées, souvent sous l’impulsion des Agences régionales de santé. Mais le rapport 2015 semble critiquer le développement de ce mode de prise en charge. La Cour des Comptes prônerait-elle un retour à la situation d’avant 2002 ? », s’interroge Ségolène Benhamou, présidente de la FHP-MCO.
Une stigmatisation inacceptable des néphrologues
La Cour des Comptes déplore en effet que la dialyse s’effectue principalement dans des centres médicalisés sans être en adéquation avec les besoins des patients, alors que la dialyse péritonéale coûterait moins cher. Elle laisse ainsi entendre que les médecins néphrologues abuseraient de patients mal informés en ne les orientant pas vers la dialyse péritonéale à domicile, des allégations reprises largement par la presse.
« Ces allégations de médecins qui abuseraient de patients pour se remplir les poches sont à la limite de la diffamation. Les néphrologues sont des gens responsables : leurs décisions sont prises dans l’intérêt du patient et non en fonction de considérations financières. Une information complète est bien délivrée par les médecins. Si l’on prend le cas de la dialyse péritonéale à domicile, nombreux sont ceux, médecins ou patients, qui ne sont pas du tout convaincus par cette technique. A cet égard, le dernier rapport de la HAS dit à demi-mot que la dialyse péritonéale n’apporterait pas tous les bienfaits attendus ni en économie ni en qualité de vie », rappelle le Dr Gilles Schutz.
Rémunérer la prise en charge des maladies chroniques
La Cour des Comptes recommande de revoir le système de rémunération des néphrologues pour passer d’une tarification à l’acte à un forfait patient, les médecins n’étant pas, selon elle, incités à orienter les patients vers les alternatives possibles. La FHP-Dialyse rappelle que les moyens n’ont jamais été donnés aux médecins, lorsque la justification médicale existait, pour que leur travail soit rémunéré à leur juste valeur dans le cadre d’une rémunération au forfait plutôt qu’à l’acte.
« La Cour confond la prescription médicale, qui relève de la responsabilité des médecins, avec les honoraires qui ne sont pas une rente de situation. La stigmatisation du corps médical ne saurait être la seule réponse à la faillite des politiques publiques à inventer des mécanismes de prise en charge des maladies chroniques. Cela suppose de nouveaux mécanismes de rémunération qui doivent faire l’objet d’une concertation étroite et préalable avec les professionnels », soulignent ensemble les deux présidents.
Des comparaisons internationales non pertinentes
La Cour des Comptes compare « le coût moyen de la dialyse dans trois pays européens rapporté à celui en France ». La Cour indique ainsi un coût de 859 € à 1.018 € en France et de 496 € en Allemagne, commettant au passage une grossière erreur (voir note aux médias ci-jointe) puisqu’elle confond le coût d’une séance de dialyse avec celui d’un traitement hebdomadaire (3 séances).
« Ces comparaisons ne sont pas pertinentes car on compare des modes de prise en charge différents, avec un âge moyen des patients différent (66 ans en Allemagne contre 71 en France), un périmètre réglementaire qui n’est pas le même, que ce soit au vu des normes excessives que nous connaissons en France que du nombre et de la taille des sites. En France, il y a davantage de sites mais parfois de plus petite taille, des unités qui traitent parfois à peine une trentaine de patients. C’est plus difficile pour ces petits centres d’amortir leurs charges fixes que pour les centres plus importants », souligne le Dr Schutz.
« Si l’on tue la dialyse de proximité par une politique tarifaire aveugle et inadéquate, l’assurance maladie sera in fine perdante car les malades devront faire plus de kilomètres pour venir dans des centres plus importants et en conséquence la facture des transports explosera », ajoute-t-il.
Une distorsion de la réalité sur la rentabilité des centres
La Cour des Comptes aborde également la question de la rentabilité des centres d’hémodialyse privés qui serait « exceptionnelle ». Elle avance ainsi un « taux de marge en 2012 qui peut être estimé à 40% ».
Or cet indicateur crée une confusion car il ne prend pas en compte la masse salariale. De tels indicateurs (marge brute, taux de marge brute) sont peu pertinents pour un secteur de soins qui fait appel à d’importantes ressources humaines.
Le journal Le Parisien/Aujourd’hui en France a d’ailleurs confondu taux de marge brute rentabilité, en écrivant de façon erronée que « la forte rémunération de ces actes (de dialyse) explique l’étonnante rentabilité des centres : 40% ! »[1].
La rentabilité économique des centres privés s’est élevée en moyenne à 11% au cours des dix dernières années (13% en 2012), comme le souligne la Cour des Comptes, en omettant toutefois – et de façon pour le moins surprenante – de dire que les tarifs ont été abaissés de 8% par le gouvernement entre 2013 à 2015. Pourquoi un tel oubli ?
A propos de l’insuffisance rénale chronique (IRC)
On compte en France entre 1,7 et 2,5 millions de personnes en insuffisance rénale chronique (IRC) avant le stade terminal et environ 70.500 personnes atteintes d’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT). Environ 46% de ces derniers sont traités par greffe rénale et 53% par dialyse. La moyenne d’âge des patients traités par dialyse est aujourd’hui de 71 ans. Deux patients sur cinq traités par dialyse souffrent d’un diabète. Avec le vieillissement de la population, le nombre de patients augmente de 3% par an.
A propos de la FHP-Dialyse
Créée il y a près de trente ans, la Fédération de l’hospitalisation privée de dialyse (FHP-Dialyse) regroupe 120 établissements forts de 182 structures géographiques de traitement de l’insuffisance rénale chronique, constituées en établissements de santé privés à statut commercial, avec ou sans hébergement, et dispensant des soins de dialyse à environ 12.000 patients.
A propos de la FHP-MCO
La FHP-MCO regroupe 600 établissements hospitaliers privés en France qui participent aux missions de service public de la santé. Ces cliniques et hôpitaux privés représentent :
- Plus de 8 millions de séjours (40% des hospitalisations)
- 67.000 lits et places (30% des capacités d’hospitalisation MCO en France)
- 132 services d’urgence (2,2 millions de passages en 2010)
- 27% des naissances en France
- 35% des séances de chimiothérapie
- 25% des séjours médicaux
- 54% des séjours chirurgicaux
- 34% de la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique
Environ 156.000 infirmières, sages-femmes, aides soignants et hôteliers y travaillent, ainsi que 45.000 praticiens.